La mort ou la vie

Texte et Dessin de Joséphine Heberlin
Licence 3, Didactique visuelle – Haute école des arts du Rhin

Un tas d’os beaucoup trop nombreux, qui s’emboîtent et s’entremêlent pour former un squelette fantastique : ces animaux qu’on appelle monstrueux sont des sculptures complexes et énigmatiques, sans queue ni tête — ou parfois à deux têtes ou encore à cinq pattes.
Lorsqu’on les dessine, par où commencer ? Le cou se divise en un réseau complexe, les pattes enlacent la tête, d’autres pattes se replient encore et encore. On parvient toutefois à distinguer une logique dans ces articulations, et en consacrant du temps à observer leur étrangetés on parvient à comprendre comment la colonne se lance vertigineusement des pieds aux nombreuses têtes en tourbillonnant.
On habille ces squelettes de vivantes silhouettes fantomatiques ; on imagine leurs démarches, leurs façon de se tenir. Pour l’un, le roulement des pattes, presque comme les roues d’une locomotive. Pour l’autre, les pattes se déplient doucement, s’étirent de tout leur long et chaque rotule grince alors que l’animal se tient debout, bien plus grand qu’on ne l’imaginait. Le carnet à dessin résonne de ces craquements d’os, je laisse ces délicates sculptures en paix, et je me tourne vers la dissection.

Ici les carcasses, pourtant fraîches, sont bien plus morbides que ces squelettes qui n’ont pas eu le temps de vivre. On cherche dans chaque détail une trace de vie, peut-être trouverons-nous ici aussi des sculptures à déchiffrer ?
Mais non, décidément, les corps luisants, percés par des anneaux et suspendus par des chaînes, les pattes rigides qui se lancent hors des tables, nous ne retrouvons pas les mêmes fantômes. Il y a les peaux qui laissent entrevoir des muscles, de la graisse, des organes — rien n’est clair, tout se confond — et il est plus difficile d’achever ses dessins. On laisse flotter les os autour des bouts de muscles, pas vraiment sûre de saisir la mort ou la vie.