Hyppoclaste

Dissection du cheval Auzoux

Un film de Ninon Pesenti & Camille Viger
Master I, Didactique visuelle – Haute école des arts du Rhin
Documentation historique Catherine Braesch
Master I, Histoire de l'art – Université de Strasbourg

Ce film est entièrement construit autour d’une interview de Christophe Degueurce, directeur de l’École nationale vétérinaire de Maisons-Alfort et conservateur du musée Fragonard d’Alfort, qui a généreusement organisé à notre intention l’ouverture du cheval Auzoux, un spectaculaire modèle en papier mâché du musée, par Caroline Marchal et Ségolène Walle, les conservatrices-restauratrices mêmes qui l’ont restauré il y a de cela sept années. Un moment rare que nous avons pu filmer et photographier et dont ce documentaire constitue la mémoire.

Un plan d'une dissection d’un cheval réel, telle qu'elle se pratique encore aujourd’hui dans le cadre de la formation des étudiants vétérinaires à Maisons-Alfort, est intégré au montage.

Le film est porté par une musique originale composée et improvisée dans le cadre de l'atelier de Jazz et Musiques improvisées de Jean-Daniel Hégé, HEAR, par Nicolas Allard (saxophone), Janis Fedotoxs (vibraphone), Davide Le Leap (guitare basse), Gaspard Beck (batterie).

Le cheval du docteur Auzoux

Un article de Catherine Braesch
Master I, Histoire de l'art – Université de Strasbourg
© mars 2018 – C. Braesch

1/ Louis Auzoux, Insuffisance en France du cheval de guerre et de luxe : possibilité de l'obtenir en créant, dans les régiments de cavalerie, des écoles d'éleveurs au moyen du cheval clastique du Dr Auzoux, 1850.

En 1840, l’anatomie du cheval était peu connue par rapport à celle de l’homme. Pourtant, cet animal était fondamental dans l’économie française aussi bien pour l’agriculture que pour les transports ou la guerre. Il était facile d’obtenir des cadavres de chevaux, mais la peur de la « piqûre anatomique » était présente. On courrait toujours le risque de se couper et de s’infecter avec des substances liées au processus de la décomposition du cadavre du cheval. Cela provoquait une lésion et engendrait la plupart du temps une septicémie fatale. Pour pallier cette « piqûre mortelle », Louis Auzoux réalisa des modèles clastiques de chevaux. Celui du musée Fragonard de l’École nationale vétérinaire d’Alfort, daté de 1846, était destiné principalement aux écoles de cavalerie dans le but d’améliorer la race chevaline. Pour y parvenir, il est indispensable de connaître les besoins de l’animal, autrement dit de posséder des notions « d’anatomie, de physiologie et d’hygiène, afin de prévenir les maladies » 1 et d’améliorer son mode de vie. Louis Auzoux conçut également des morceaux de chevaux et développa des collections d’articulations en papier mâché montrant certaines tares pouvant affecter ces animaux. De cette façon, il créa des mâchoires en très grand nombre, afin d’identifier l’âge du cheval grâce à l’usure dentaire et de reconnaître les fraudes auxquelles se livraient des maquignons peu scrupuleux afin de revendre des chevaux âgés à meilleur prix. Il réalisa pareillement des pieds où l’on peut voir l’ensemble des articulations permettant de discerner l’arrêt de la carrière de l’animal. Le modèle d’Auzoux de la maison d’Alfort est dit « incomplet » car il est formé de dix-neuf pièces détachables et présente mille neuf cent quatre-vingt-cinq détails anatomiques. Il se distingue du modèle complet puisqu’il est moins onéreux et ses muscles ne sont pas détachables, contrairement au modèle complet dont toutes les pièces s’enlèvent (soit cent vingt-sept-pièces détachables et trois mille six cent trente-cinq détails anatomiques). Le cheval incomplet est présenté comme une opération chirurgicale réelle, puisqu’il s’ouvre debout comme le couvercle d’une boîte. Un cheval était rarement opéré sur le dos, car cela lui provoquait une péritonite qui lui donnait la mort instantanément. Ainsi Louis Auzoux est resté fidèle à ce protocole : il présente le point de vue d’un chirurgien équin, à partir duquel il est possible, lors de la dissection, d’observer tous les organes, comme le cæcum, l’intestin, le colon, la vessie ou encore toutes les artères qui convergeant vers l’intestin. L’objectif du docteur Auzoux était de parvenir à une fidèle représentation de l’animal, sachant que dans la réalité de la dissection, une telle clarté n’est pas possible, puisque l’organe devient flasque et perd de sa couleur. Son modèle clastique permet donc de visualiser l’organe tel qu’il serait en dehors de tout processus de putréfaction et d’aplatissement lié à la disparition des gaz, c’est-à-dire gonflé, naturel et vivement coloré. L’art et la technique sont ainsi rassemblés pour promouvoir un objet à la fois économique, stratégique et éducatif, voire esthétique, du point de vue qui est le nôtre aujourd’hui.