La vie de Léopold Blaschka
(1822-1895)
et de Rudolf Blaschka
(1857-1939)
(1822-1895)
et de Rudolf Blaschka
(1857-1939)
Racontée par Lila Gentilhomme
Master II Histoire de l'art – Université de Strasbourg
Mise en images par Noëlle Letzelter
Master I, Didactique visuelle – Haute école des arts du Rhin
Léopold Blaschka naît en 1822 au nord de la Bohème, en actuelle République tchèque, dans une famille de maîtres verriers. Il suit une formation de joaillier et se spécialise dans la production d’objets en verre, notamment des accessoires et des yeux de verre (pour la taxidermie et comme prothèses humaines). Inspiré par les jardins princiers de Camille de Rohan, il se familiarise rapidement avec les sciences naturelles en imitant en verre des plantes et des animaux qu’il observe.
Ces premiers modèles sont montés sur une base en plâtre simulant un rocher et sont principalement destinés à décorer les aquariums, apparus au début du XIXe siècle. Le prince repère ses productions vers la fin des années 1850 et lui commande alors officiellement des reproductions de sa collection d’orchidées.
Ses débuts en botaniques se prolongent rapidement dans le domaine de la zoologie : à partir de 1863, Léopold Blaschka réalise ses premiers modèles d’animaux invertébrés et anémones de mer.
Son fils, Rudolf Blaschka, naît en 1857 et rejoint l’atelier de son père en 1876. Il est formé aux secrets de fabrication de ces modèles qui gagnent en réputation en Europe. Leur atelier est basé à Dresde, en Allemagne, depuis 1863. Les musées d’histoire naturelle, en pleine expansion, et les universités européennes font appel à leur savoir-faire et à leur art pour enrichir leurs collections.
Leur réputation s’étend même jusqu’en Amérique, au Japon et en Inde. À partir de 1871, ils diffusent leurs productions à l’aide de catalogues, d’abord en allemand puis en anglais : à la fin des années 1880, ils y proposent plus de sept cents modèles différents.
En 1877, ils commencent à s’inspirer d’animaux qui leur sont envoyés directement à Dresde, dans l’alcool ou vivants, depuis diverses stations européennes de biologie marine (surtout d’Italie mais aussi de la mer Baltique). Avant cette date, leur principale source d’inspiration consistait en l’étude des ouvrages et illustrations scientifiques comme celui de Philip Henry Gosse, Actinologia Britannica ou d’Ernst Haeckel, Kunstformen der Natur. Grâce à l’observation du vivant, en aquarium ou dans leur milieu naturel, ils sont alors libérés des images bidimensionnelles présentant parfois une réalité déformée, ce qui fait considérablement évoluer leurs représentations du vivant.
Léopold Blaschka a d’ailleurs eu l’occasion d’observer des méduses dans leur milieu naturel, en 1853, lors d’un voyage en Amérique qui lui a été recommandé par son médecin pour se remettre du décès de son père. Son fils Rudolf renouvelle l’expérience en 1879, lors d’une expédition dans le nord de l’Italie et l’Adriatique.
En 1878, le succès des Blaschka est tel qu’ils emploient un agent, Henry Ward, responsable des transactions avec l’Amérique du Nord. Leur production augmente de manière significative et leur clientèle s’élargit. En 1890, ils effectuent leur dernière commande européenne pour la Kaiser Wilhelm Universitat de Strasbourg, une soixantaine de modèles (cinquante-trois restants aujourd’hui) avant de signer un contrat d’exclusivité avec George Lincoln Goodale de l’Université de Harvard, rencontré en 1886. Le duo Blaschka père et fils est alors généreusement rémunéré pour créer plus de quatre mille modèles botaniques depuis leur atelier à Dresde.
Ils s’attellent à cette tâche pendant près de cinquante ans, abandonnant définitivement les modèles d’invertébrés pour les fleurs et plantes en verre, comme au commencement de Léopold. Les modèles botaniques parcourent alors presque huit mille kilomètres en voiture à cheval, train et bateau dans des caisses remplies de paille pour rejoindre leurs commanditaires. Léopold décède en 1895, mais Rudolf poursuit ce travail de grande ampleur jusqu’à sa mort en 1939. N’ayant pas d’héritier ni d’élève, les secrets de fabrication de ces mystérieux modèles en verre disparaissent avec eux à l’arrivée de la Seconde Guerre mondiale.