Apprendre, c’est décomposer l'objet d'étude afin de l'analyser dans le détail, de façon théorique et concrète, en associant l'observation et le toucher.

Alors étudiant en médecine et en chirurgie, le docteur Louis Auzoux usait de représentations en trois dimensions pour son apprentissage personnel et fit de la l'élaboration et de l’utilisation de tels modèles pour l'enseignement de l'anatomie le sujet de sa thèse. Son érudition médicale et son talent pour la modélisation lui permirent de révolutionner l’apprentissage médical grâce à ces modèles artificiels manipulables qu'il réalisa en séries et diffusera largement durant le XIXe siècle.

Alors que l’étude de l’anatomie nécessite la conservation de corps entiers ou de parties de corps, le développement de ses modèles dits « clastiques », qualifiés ainsi en raison de leur modularité, permit l’étude anatomique humaine et animale d’une manière inédite, par le manipulation concrète de ces fac-similés d'organes, parfois à taille réelle.

Chaque organe était démontable et comprenait une légende qui en expliquait la fonction, ou comportait un numéro renvoyant à un manuel (tableau synoptique). Auzoux ouvrit la voie à de nouvelles méthodes d’apprentissage dans lesquelles l'observation et la manipulation de représentations en trois dimensions sont centrales, ce qui est toujours le cas aujourd’hui, avec des modalités supplémentaires liées au numérique.

Malgré leur utilité éprouvée, les modèles d’Auzoux n’ont pas remplacé l'expérience de la dissection sur cadavres. Comme les techniques actuelles, ils sont complémentaires et utiles dans les relations qu’ils créent. Après la dissection, il était possible d’en rejouer les phases successives par la manipulation des organes en papier mâché. Alors que ces modèles étaient peu nombreux et globalement et fragilisés par leurs manipulations, victimes des conditions climatiques et environnementales de leur stockage, le concept de base est encore d’actualité et mis à jour grâce aux technologies contemporaines.

Grâce au dispositif numérique BioDigital 1 par exemple, les savoirs scientifiques et graphiques sont associés pour offrir une expérience de dissection accessible à tous et utilisée y compris pour l’enseignement médical. Les deux dispositifs représentent des modèles aux gabarits uniques. Les étiquettes sont toujours présentes et disponibles immédiatement. L’idée et le but sont les mêmes ; seules les techniques de manipulation sont modifiées.

La personnalisation de l'outil est désormais le maître mot de cette méthode d’apprentissage apparue au XIXe siècle. L’échelle est ajustable, les manipulations mémorisées. Bien que l’ordre exact d’assemblage des modèles d’Auzoux était en lui-même pédagogique, le fait de pouvoir imbriquer les pièces et de refermer le modèle était une forme de validation. Le dispositif actuel laisse la liberté à l’utilisateur de sélectionner la zone anatomique étudiée. Plus que ça, il permet d’isoler une partie du corps, un système, un organe, de décliner des modèles indépendants en fonction de l’étude, mais surtout d’accéder à la dissection virtuelle d’une anatomie pathologique, grâce à un répertoire de pathologies par système.

Le dispositif numérique du XXIe siècle ne fait donc que s’inscrire dans la continuité de l’invention d’Auzoux, lui rendant hommage par la variété d’utilisation qu’il permet, ainsi que la diversité des modèles étudiés, pathologiques notamment, dont un médecin comme Auzoux à probablement fantasmé la réalisation.