Du cerveau Auzoux à l'application 3D Brain

Un article de Mary Deroost
Master II, Sciences et cultures du visuel – université Lille 3

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1/ Auzoux L. T. J., Cerveau analytique ou de texture de très grande dimension : anatomie clastique du Dr Auzoux, 1868. En ligne sur le site Gallica de la BNF, consulté le 21 Décembre 2017.

 

2/ Jones, E. G., Colgi, Cajal and the neuron doctrine, Journal of the History of the Neurosciences, 8, 1999, pp. 170-178.

 

3/ Éducation PratriVal (s. d.), Cerveau humain, modèle en papier mâché du Dr Auzoux. En ligne, consulté le 21 Décembre 2017.

 

4/ La Boîte Verte (s. d.), Les modèles anatomiques en papier mâché du docteur Auzoux vers 1820. En ligne, consulté le 21 Décembre 2017.

 

5/ Parent, A., Parent, M., et Leroux-Huron, V., Jules Bernard Luys: A singular figure of 19th century neurology. Canadian Journal of Neurological Sciences, 29, 2002, pp. 282-288.

 

6/ Society for Neurosciences, 3D Brain, 2017. En ligne, consulté le 21 Décembre 2017.

 

7/ Wimsatt, M. (s. d.), Matt Wimsatt. En ligne, consulté le 21 Décembre 2017.

 

8/ LinkedIn (s. d.), Jack Simpson. En ligne, consulté le 21 Décembre 2017.

Un des organes des plus mystérieux et des plus complexes du corps humain : le cerveau.

Cet organe fascinant a fait l'objet d'un des modèles en papier mâché du docteur Auzoux, de son vrai nom Louis Thomas Jérôme Auzoux (1797-1880). Organisé sous forme d’un réseau télégraphique, ce cerveau analytique de 1867 et de très grandes dimensions, il permet de suivre le trajet des fibres nerveuses dans toutes les parties de la masse encéphalique 1 . En effet, en 1867, les neurones ne sont pas encore connus des scientifiques : ils ne le seront que plusieurs décennies plus tard, grâce à leur découverte par le neuroscientifique Santiago Ramon y Cajal au moyen de la technique du nitrate d’argent développée par Camillo Golgi. Pour cela, ces deux savants ont obtenu le Prix Nobel de 1906 2 .

Le modèle du docteur Auzoux se présente en neuf parties démontables, avec notamment les lobes pariétaux, les tempes avec les lobes occipitaux, le tronc cérébral et le cervelet 3 . Cette conception permet de pouvoir retirer les organes un par un afin de les analyser et d’observer la façon dont ils s’imbriquent 4 . Enlever les différentes parties revient donc à voir en transparence mais également à pouvoir étudier chaque organe minutieusement et de façon isolée.

Les détails de ce modèle sont particulièrement fascinants, jusqu’à la reprise des différents sillons cérébraux qui donnent à cet organe un aspect unique. Auzoux s’est basé sur des dissections faites sur des cerveaux naturels durcis par de l’acide chromique selon les indications du docteur Jules Bernard Luys, neuropsychiatre 5 . Différents labels et numéros qui renvoient aux multiples structures du cerveau sont collés sur les facettes des différentes parties qui constituent ce modèle, dont la signification n’est disponible que si la personne dispose du livret qui en fournit la description 1 . Sa taille, d’au moins le triple d’un cerveau humain, permet une meilleure appréhension, donc un meilleur apprentissage, puisque de minuscules structures se retrouvent ainsi bien plus visibles et manipulables.

Le dispositif contemporain de brainfacts.org de la Society of Neurosciences, appelé 3D Brain 6 , reprend quelques caractéristiques explorées par le docteur Auzoux dans son modèle en papier mâché.

Tel qu’il est développé par Matt Wimsatt 7 , spécialiste de la visualisation médicale et scientifique, et par Jack Simpson 8 , ingénieur logiciel interactif de la Society of Neurosciences, nous y retrouvons l’aspect si caractéristique du cerveau ainsi que sa couleur. Il est possible de le manipuler, de l'éclater, de le tourner sur lui-même en cliquant n’importe où sur l’écran, puis d’interagir avec le modèle 3D en cliquant sur la structure qui nous intéresse, laquelle se met alors en surbrillance par rapport aux autres. Comme dans le modèle du docteur Auzoux, il est possible d’isoler chaque structure pour mieux analyser sa forme et comprendre sa localisation dans le cerveau. En sélectionnant une certaine structure, apparaissent des informations qui permettent de mieux comprendre son rôle : brèves et succinctes, elles nous renseignement par exemple sur ses fonctions, sa composition et son anatomie. Plus besoin d’un support d’accompagnement séparé, puisque tout se fait sur un seul et même support.

Enfin, que serait un modèle interactif 3D numérique d’un cerveau s’il n’était pas possible de l’annoter ? Outre la possibilité de zoomer/dézoomer, de faire des captures d’écran et de les partager, de revenir à la position initiale ou de voir le cerveau en plein écran, le fait d’annoter permet à l’individu de laisser une trace de son passage et de mieux mémoriser ce qu’il vient d’apprendre en retranscrivant ses nouvelles acquisitions par l’usage de ses propres mots.
Il est pourtant une chose que le numérique ne peut reproduire aussi parfaitement qu’un modèle physique, c’est le rendu des volumes : nous sommes plus à même de prendre conscience du volume d’un objet lorsque nous le tenons dans nos mains que lorsque nous observons ce même objet sur un écran. Nous pouvons zoomer, dézoomer, mais la sensation du toucher, si importante dans l’exploration, est perdue. Il y a donc à faire tout un travail de reconstruction mentale du modèle pour pouvoir s’imaginer à quoi le cerveau ressemblerait dans le monde réel, chose qui nous est directement accessible avec le modèle du docteur Auzoux.