Le « Force 10 » de Pif Gadget : Fac-similé de l’anémomètre de Robinson ?

Un article d'Ingrid Berger
Master II, Sciences et cultures du visuel – université Lille 3

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> Gravure publiée dans The Aims and Methods of Meteorological Work by Cleveland Abbe, in Maryland Weather Service, Johns Hopkins Press, Baltimore, 1899. Volume I, page 316
> « Anémomètre Gadget », distribué dans le numéro Pif Gadget, Collectif, n° 368, Édition Vaillant, 1er mars 1976

Lorsque nous songeons à la mesure du vent, nous avons en tête l’image d’outils scientifiques complexes, d’une grande précision, ainsi que les flux de données détaillés par les bulletins météorologiques, moins, sans doute, celles de jouets pour enfant. Pourtant, quelques-uns d’entre eux se sont intéressés à capter les forces mouvantes du vent.

Si l’on situe parfois l’apparition des premiers outils à mesurer le vent au XVe siècle , les anémomètres tels que nous les connaissons plus fréquemment dans l’iconographie scientifique ont été créés par Thomas Romney Robinson en 1846, un scientifique et astrophysicien irlandais. Cet objet, différent, dans sa forme, mais aussi dans son ergonomie, de l’anémomètre proposé par Louis-Léon Pajot en 1734 se composait d’une tige sur laquelle étaient fixées quatre coupelles hémisphériques de métal organisées de manière perpendiculaire et en suivant une ordonnance cardinale. Le vent s’engouffrait dans les coupelles, les faisant tourner comme une hélice. La vélocité du vent était calculée en comptant chaque révolution complète des quatre coupelles sur un temps donné.
Le modèle d’anémomètre de Robinson a ensuite connu une amélioration grâce au scientifique John Patterson dans les années 1920 : celui-ci enleva une coupelle et ajouta une girouette afin de déterminer la direction du vent.

Initialement distribué avec le n° 368 du magazine pour enfants Pif Gadget paru le 1er mars 1976, puis réédité dans le n° 6 du même magazine le 29 décembre 2004, l’anémomètre jouet, appelé « Force 10 » lors de la réédition du gadget, permettait de « mesurer la force du vent ».

Créé en 1969, cet hebdomadaire avait la particularité d’offrir aux enfants avec la plupart de ses numéros des gadgets insolites et variés. Cette réplique réduite d’un anémomètre était une maquette en plastique, en pièces détachées, qui devait être montée par l’enfant. Il fonctionnait comme l’anémomètre de Thomas Romney Robinson (avec l'ajout de la girouette de Patterson) : un filet de vent animait l’objet en faisant tourner les plateaux et les rouages. S’il n’était évidemment pas possible de prendre la mesure précise du vent, le gadget permettait toutefois d’obtenir un effet visuel : s’il n’y avait pas de vent, la pastille demeurait bleue, s’il y en avait, elle virait au rouge.

Le magazine Pif Gadget mettait dans les mains des enfants, à leur portée, des répliques d’outils scientifiques. Ces gadgets permettaient aux enfants d’aborder et d’expérimenter des concepts scientifiques parfois complexes. Ils conservaient l’apparence et la mécanique globale des outils scientifiques originaux mais en proposaient des fac-similés, ludiques et spectaculaires, qui éveillaient l’intérêt et la curiosité des familles à la complexité des sciences.

L’anémomètre de Pif Gadget n’est pas un cas isolé puisque le magazine a également présenté un microscope, une petite lunette de vue, etc. La didactique du gadget tient la mise en œuvre de l’expérience pratique comme vecteur de compréhension ; l’identification des pièces à assembler, le montage du mécanisme, la manipulation et l’usage de l’objet permettent de transmettre un apprentissage. S’il n’use pas d’un matériau de haute qualité, et ne témoigne pas d’un processus de relevé très précis, il permet cependant de familiariser l’enfant avec l’objet scientifique, de mieux en comprendre son fonctionnement, ainsi que le procédé de calcul des données du vent. Le gadget est associé à une médiation des concepts scientifiques par le texte et l’image au sein du magazine même. L’objet prend de surcroît une dimension presque « magique », ce qu’annoncent les couvertures accrocheuses du magazine dédiées aux différents gadgets insolites, faites pour piquer la curiosité des plus jeunes.

Ce gadget est d’autant plus intéressant que, malgré sa dernière édition en 2004, l’anémomètre selon le modèle de Romney Robinson est resté un standard, si l’on excepte quelques modifications, jusqu’à l’arrivée des premiers anémomètres soniques et électroniques créés par Andreas Pflitsch en 1994. Dans cet intervalle de vingt années, les gestes des enfants qui jouaient avec ce gadget étaient finalement très proches de ceux que l’on devait effectuer, sur un plan technique et scientifique, pour mesurer le vent.