Modélisation des plantes, du fac-similé à l'algorithme

Un article de Manon Maes
Master II, Sciences et cultures du visuel – université Lille 3

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1/ Anne-Marie Bogaert-Damin, Voyage au coeur des fleurs : Modèles botaniques et flores d'Europe au XIXe siècle, Presses universitaires de Namur | Histoire, Art et Archéologie, 2007.

 

2/ Przemyslaw Prusinkiewicz, Artistid Lindenmayer, The algorithm of plant, Springer -Verlag, New York, 1990.

Comme l’explique Anne-Marie Bogaert-Damin dans son ouvrage, Voyage au coeur des fleurs : Modèles botaniques et flores d'Europe au XIXe siècle 1 , « Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la botanique connaît une période d’activité intense. L’étude des plantes embrasse à la fois leur structure, leur activité et leur mode de développement. » C’est à cette période que Brendel construit ses premiers modèles botaniques, agrandis, en carton pierre et autre matériaux. Les modèles Brendel sont des « manips » en plusieurs parties, qui permettent d’analyser l’anatomie et l’évolution des espèces botaniques. Les modèles Brendel sont conçus avec des scientifiques afin d’atteindre une exactitude dans les représentations botaniques. Ils sont faciles à utiliser, peu onéreux et rentables, ce qui permet leur diffusion rapide et vaste et une démocratisation relative de leur usage. Au-delà de leur utilité scientifique, les modèles Brendel sont aussi reconnus pour leur dimension esthétique et sont une source d’inspiration pour les artistes.

Aujourd’hui, la botanique utilise les outils informatiques et l’algorithmie pour simuler l’évolution des plantes et la relation qu’elles entretiennent avec leur environnement. Le L-Système, l’outil qui nous intéressera ici, possède de nombreux points communs avec les modèles botaniques du XIXe siècle, mais également, nous le verrons, s’en détache foncièrement, en particulier d’un point de vue didactique.

Le L-Système est une forme de réécriture informatique des plantes mis au point par le biologiste hongrois Aristid Lindenmayer. Par les mathématiques, le L-Système permet de reproduire et donc d’analyser le développement des plantes et le fonctionnement de leurs écosystèmes, virtuellement et en 3D. C’est un modèle génératif ; il est donc très utile à l’étude botanique, car il est désormais possible d’ajouter des valeurs concrètes telles que les compositions atmosphériques, la luminosité, l’hygrométrie ou encore le comportement face aux autres plantes pour observer les évolutions en situation réelle, tout en respectant l’environnement et les saisons. Cela donne une grande flexibilité à la « manip », contrairement au modèle Brendel par définition figé dans un état unique.

Par ailleurs, le L-Système apporte une grande précision quant à l’élaboration des structures des plantes, car la biomimétique permet de reproduire des constructions fractales, très complexes pour l’entendement humain.

Comme les modèles Brendel au XIXe siècle, le L-Système a également été une grande source d’inspiration pour les modélisations tridimensionnelles des plantes par les artistes, par la précision de la technique, mais aussi par la création d’une imagerie nouvelle de la botanique. Il a par ailleurs été précurseur d’une branche de l’art évolutif, dans lequel l’artiste ne construit plus l’objet, mais va sélectionner des paramètres mathématiques et laisser le système vivre de lui-même, virtuellement.

Cependant, nous pouvons noter que le L-Système nous apparaît comme étant moins didactique que les modèles de Brendel, utilisés dès l’école primaire. En effet, il est nécessaire d’avoir des compétences informatiques précises en amont pour pouvoir utiliser cette « manip », bien que de nouveaux logiciels comme le L-Studio, créé par Prusinkiewicz 2 , aient été mis au point pour faciliter l’accès à l’utilisation du L-Système de Lindenmayer.